La Grande Remontée, Scène Web

09/10/22 Le Cabaret militant de Pau Simon, par Belinda Mathieu
 Avec La Grande remontée, Pau Simon dévoile à Actoral un cabaret militant autour de la contraception testiculaire, succession de transformations qui explorent les porosités entre les genres, l’humain et le non-humain. Un ensemble audacieux mâtiné de douceur qui donne à voir le corps contracepté et donne à entendre des récits militants.
Baignée dans une lumière fushia, une créature se meut avec lenteur sur le sol. Son visage, à l’air innocent, est paré de sourcils oranges fluo; son corps est bordé de liserés de la même couleur qui définissent les contours de son anatomie. Elle malaxe deux énormes bourses beiges – qui font partie de son costume –  s’en sert de coussin, de siège, dont émane un bruit sourd et mouillé à mesure qu’elles sont touchées (le dispositif sonore est créé et activé en direct par ÈLG, qui se tient derrière sa table de mixage à cour).  Ce personnage mi-humain, mi-animal n’est autre que Pau Simon, chorégraphe qui exécute la danse qu’iel nomme de La Grande Remontée, gestuelle qui consiste à hisser ses testicules à l’intérieur du corps pour se contracepter. Depuis sa rencontre avec celleux qui militent pour la contraception testiculaire thermique, dite masculine, iel explore les singularités d’un corps affecté par ce geste, qui consiste à chauffer ou remonter les testicules dans l’entrée du canal inguinal pour arrêter la spermatogénèse (production de spermatozïdes).
Dans cette pièce aussi douce que délirante, Pau Simon se métamorphose au fil des tableaux pour déployer un cabaret militant, où la revendication s’exprime avant tout par le corps. Le.a chorégraphe livre l’un après l’autre des tableaux où iel navigue entre les genres et ce qui est humain et non-humain, transforme en tanuki, un yokaï (créature mythologique japonaise) qui se sert de ses testicules pour pêcher ou comme couverture. Iel incarne le féminité en dansant le twerk abortif, une masculinité androgyne, parée d’une moustache bleu et de talons hauts, dans une scène qui évoque un cabaret allemand dans les années 1930 et devient même une bourse, dont la forme se découpe derrière la tapisserie qui orne la scène, comme dans un théâtre d’ombres.
Cet ensemble est lié d’un fil de douceur, figuré par l’épaisseur de cette grand fresque en ouatine – semblable à un dessus de lit moelleux – où l’on devine des couilles volantes et des personnages qui se prennent les pieds dans leur slip contraceptif. Mais aussi à travers la danse de Pau Simon, qui déplie les gestes avec mesure, calme et un poil d’absurde, exécutant une chandelle ou jouant avec deux grelots qui pendant dans un collant chair accroché à son caleçon. Une manière représenter des alternatives à la masculinité virile, vulnérables, mâtinées de douceur, à l’image des emoji cœur que s’envoient les militants d’un forum internet sur l’anneau andro-switch (objet utilisé pour la contraception thermique), dont les échanges sont récités pendant la pièce. En s’inspirant des codes et traditions du spectaculaire, Pau Simon  mêle récits historiques, personnels et expérimentations autour d’un corps militant, pour nous ouvrir les portes son cabaret tendre et couillu !